La majorité oubliée : pourquoi la défense des droits humains doit inclure la violence d’État contre les groupes ethniques dominants

 Résumé exécutif :

Les organisations internationales de défense des droits humains se concentrent depuis longtemps sur les violations commises contre les minorités ethniques. Si cela est nécessaire, cela demeure insuffisant. Une question cruciale et trop souvent négligée est le préjudice systémique infligé par les régimes autoritaires à leurs propres populations majoritaires. De la violence structurelle de l’Union soviétique contre les Russes ethniques à la répression des identités régionales chinoises par la République populaire de Chine, il est temps de reformuler le débat pour inclure la violence d’État contre la majorité. Ce changement de paradigme est essentiel pour comprendre et démanteler les autoritarismes contemporains.


1. Un angle mort dans le discours global sur les droits humains

Les cadres contemporains des droits humains — ancrés dans les théories postcoloniales et multiculturalistes — présument souvent que les majorités sont oppressives, et les minorités, opprimées. Si cette hypothèse est parfois valable dans des contextes coloniaux ou d’États à peuplement, elle échoue à décrire les régimes autoritaires centralisés, où les groupes ethniques dominants figurent parmi les populations les plus systématiquement soumises.

Dans l’Union soviétique comme dans la Chine actuelle, le parti au pouvoir s’est présenté comme protecteur multiethnique, tout en imposant des politiques coercitives qui ont sapé les libertés, les identités et la dignité économique de leurs propres majorités.


2. La violence structurelle contre la majorité : les cas russe et chinois

  • L’Union soviétique et les Russes :
    Bien qu’ils aient constitué le groupe ethnique le plus important, les Russes ont subi l’athéisme imposé, l’appauvrissement économique centralisé, la censure de l’information et la répression de leurs expressions culturelles. Des millions de paysans et d’ouvriers russes — pas uniquement des minorités — ont péri dans les purges, les famines et les collectivisations forcées.

  • La Chine populaire et les Han :
    Souvent considérés comme « privilégiés », les Han — notamment dans les régions intérieures comme le Sichuan (巴蜀), le Hunan ou le Henan — ont subi de plein fouet les avortements forcés liés à la politique de l’enfant unique, la censure, la militarisation policière, les expropriations et l’endoctrinement idéologique. Des langues locales comme le cantonais (粤语), le shanghaïen (沪语) ou le sichuanais (巴蜀话) sont stigmatisées ou effacées des systèmes éducatifs, ce qui détruit la diversité culturelle au sein même de la majorité.


3. Le pouvoir ignoré de l’éveil majoritaire

Les régimes autoritaires ne reposent pas seulement sur la répression des minorités dissidentes, mais sur la soumission active de la majorité. Cette loyauté est obtenue par la propagande, la peur, ou la dépendance économique. Mais lorsque la majorité commence à remettre en cause la légitimité du régime, le système devient vulnérable.

  • En Chine, une grande partie des forces de police, de l’armée et de la propagande provient des régions han intérieures, notamment de la population historiquement résiliente du Ba-Shu (巴蜀). Ces groupes constituent le socle humain du contrôle d’État. Réveiller leur conscience historique et culturelle pourrait faire basculer l’équilibre interne.

  • Une stratégie des droits humains qui ne s’adresse qu’aux marges rate l’occasion de créer une pression transformatrice depuis le centre.


4. Pourquoi c’est urgent aujourd’hui

Les campagnes internationales de défense des droits risquent de renforcer les structures autoritaires en ignorant la souffrance et l’identité réprimée des populations majoritaires. Cette négligence perpétue un récit erroné et marginalise ceux qui ont le plus grand potentiel de réforme interne.

Nous devons :

  • Reconnaître les dommages structurels infligés aux populations majoritaires dans les États autoritaires ;

  • Réévaluer l’hypothèse selon laquelle « majorité = oppresseur » dans les régimes totalitaires ;

  • Encourager l’auto-reconnaissance culturelle et la renaissance des identités régionales (par ex. Ba-Shu, Yue, Wu) ;

  • Soutenir les canaux de dissidence majoritaire, de réflexion historique et d’éveil civique.


Conclusion :

Mettre fin aux régimes totalitaires nécessite plus que la défense des minorités — cela exige l’éveil de la majorité. Il est temps de dépasser les catégories figées de victimisation coloniale et de faire face à la réalité moderne d’États qui instrumentalisent, réduisent au silence et sacrifient leurs propres majorités. La route vers la dignité humaine passe par le cœur des majorités oubliées.

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